Deux fillettes, puis deux adolescentes, soumises au sadisme dâun pĂšre maltraitant, dâun pĂšre-ogre, dâun pĂšre-tortionnaire, des annĂ©es durant. Des sĂ©vices qui alternent douleur physique et humiliation, sans que la mĂšre intervienne. Une seule limite, absurde, imposĂ©e aux plaisirs de son compagnon : le viol (du moins la pĂ©nĂ©tration), jamais abouti, lâinceste, jamais commis.
Difficile de rendre compte de cette auto-fiction, un texte violent, dĂ©rangeant aussi parce quâil nous fait voyeur de lâinsoutenable. LâĂ©crivaine DIT cet indicible, dâautant plus insupportable quâil concerne la sphĂšre privĂ©e : en mots prĂ©cis, en sĂ©quences narratives brĂšves, en phrases hachĂ©es, ponctuĂ©es brutalement, ressassant la monotonie rĂ©pĂ©titive des piĂštres inventions paternelles, comme rythmĂ©es par les coups reçus, les insultes subies. Pourquoi ? Loin du tĂ©moignage, Marie-Pier Lafontaine rĂ©alise en Ă©crivant un acte de rĂ©sistance : elle transgresse lâinjonction paternelle capitale : « ne pas raconter ». Elle tient tĂȘte, refusant lâoubli, dans une dĂ©marche proche de celles de ChloĂ© Delaume ou Christine Angot, car on ne rĂ©pare pas ce qui a Ă©tĂ© dĂ©truit. Rien qui ressemble Ă une thĂ©rapie passant par le pardon et la rĂ©demption ; ce serait une insulte de le croire. Le texte, dans sa force littĂ©raire, est un espace de libertĂ© et de vĂ©ritĂ© absolue, sans dette ni concession Ă la vie dont pourtant il est issu. Exceptionnel. (C.B. et A-M.D.)